Coco #2 - 07 mars 2020

Un samedi soir de mars, l'énergie Coco est pour la deuxième fois convoquée.

Ce sont M et E qui préparent savamment l'espace lové et moelleux d'un lieu qui accueillera bientôt neuf jameureuses (parmi lesquelles six créatures tentent l'expérience pour la première fois). Il fait rouge et il fait feutré. La lumière tamisée enveloppe doucement l'espace et chacun des corps qui y prennent place, à partir de 18h30. Cette fois-ci, le repas se compose d'un patchwork de mets apportés par chacune et chacun. Iels se servent, échangent nourriture et mots (et parfois, comme par magie, les mots se transforment en nourriture). Il est important, ce temps qui marque les premières minutes d'un rassemblement d'énergies individuelles qui ne se connaissent pas forcément, ou en tout cas, pas exactement de cette façon là.




Bientôt, le pique-nique se déplace du centre de la pièce jusqu'à une petite table dans le coin, endroit où des créatures affamées pourront se restaurer, au besoin, pendant que la soirée battra son plein. Place au cercle d'ouverture. L pose le cadre : les principes qui infusent le projet, ceux qui s'appliquent en matière de consentement, le matériel de safe sex, la photo policy (tout ça, les lecteurices le savent déjà, s'iels ont lu Coco se raconte numéro 1). Puis la parole est distribuée à toustes grâce à cette petite lumière rouge qui passe de mains en mains et symboliquement signifie un truc comme "je dépose ici quelque chose de moi qui n'a pas souvent l'occasion de se laisser regarder". Comment je m’appelle / j'ai envie de me faire appeler ce soir, et avec quel pronom ? Comment je me sens, là tout de suite ? Quelles sont mes préférences sensuello-sexuelles et mes intentions pour la soirée ? Et chacun.e à son tour, de répondre à ces questions-guides. Elles font plus que simplement informer celleux qui écoutent : il s'agit d'instiller en celleux qui parlent un doute qui vient titiller jusqu'à l'ontologique. Subtile bousculade du statut quo qui confortablement a établi son siège dans les sois de créatures humaines parfois très convaincues d'exister uniquement sous telle ou telle facette, et oubliant de ce fait tout un pan de la réalité polymorphique qui pourtant subsiste en elleux. Bref, on ne pose jamais de questions aux endroits où tout est absolument évident, n'est-ce pas ? On ne fait aucun pas de côté si on n'a pas d'abord libéré la place pour le faire, right ? C'est pour ça qu'il ne faut pas s'arrêter de poser des questions, et même de toujours chercher à davantage les aiguiser. Voilà donc un autre challenge Coco qui voit le jour, ce soir-là : réussir à libérer un peu de l'espace des possibles humains, réinjecter un peu de flexibilité dans des identités qui en se construisant, se sont parfois figées (petit clin d’œil de renvoi à la contribution de M).

Donc, après avoir tenté de faire un peu de place pour laisser à la spontanéité du moment l'espace d'exister, L et M s'associent pour guider l'interaction collective. Le cercle se lève. On peut voir les créatures se connecter par les épaules et par l'espace de conscience qui se crée quand d'abord elles se mettent à focaliser leur attention sur le souffle qui les traverse, et puis quand à l'unisson, elles créent un imaginaire mental grand angle au son des voix-guides de deux space-holders. Ce soir-là, il est question de réunir, de builder l'appartenance de chacun.e à ce tout en construction. Plus encore que la première fois, il s'agit de se matérialiser en tant qu'entité. Bientôt, l'énergie change de texture : l'immobilité de la méditation guidée s'ouvre sur un espace de communication par le mouvement, le toucher, par le toucher en mouvement. Subtil ou plus appuyé, lent ou carrément fugace. On marche et on se touche, avec les mains, bras, épaules, jambes, ou simplement avec les yeux. Évidemment, il apparaît que l'image qui a particulièrement retenu l'attention de l'observateurice secrète à ce moment-là est l’œuvre humaine qui termina de peaufiner la partie guidée de l'expérience et que l'on pourrait ainsi titrer : "Emmêlade entassée de corps sur parterre matelassé".




C'est de cette manière que s'ouvrit la jam et c'est également ainsi que quand vint l'heure de la fin, tout naturellement, elle se clôtura. Mais ce n'est pas sur ce tableau que ce conte va s'arrêter. Ce serait en effet dommage d'omettre de stipuler que ce soir-là les créativités relationnelles se sont débridées : peinture, danse, massages et voix ont fait ou refait leur apparition. Aussi, il est à noter que la gestuelle du martinet a recouvré l'air mélodiquement cinglant de son utilisation ordinaire. Et cette fois là, si des binômes ont vu le jour, ils se sont fluidement construits et déconstruits, ont su avec une flexibilité certaine s'agglomérer aux conglomérats déjà constitués et puis s'en délier. S'il devait y avoir un mot-image, pour ce deuxième rendez-vous, je crois qu'il serait pertinent d'invoquer une métaphore empruntée à la chimie : imaginez de petits atomes mus par l'élan instinctif de se constituer en molécules ; une fois la contenance et le nom de ladite molécule choisis, fluidement alors ils glissent vers une forme cellulaire nouvelle, jamais connue, jamais déjà labellisée, profondément mutante et toujours, toujours palpitante de vitalité.



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NB - En référence à la captation sonore ci-dessus - :
Robert Desnos est décédé le 8 juin 1945. Paix à son âme !

L.

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