Coco #1 - 14 février 2020

Collectiveness s'est matérialisée pour la première fois un jour de saint Valentin 2020. Subvertir le symbolique 14 février était, en effet, particulièrement tentant.

*


En cette occasion, L, bientôt aidé.e par M, dressent une table garnie de mets minutieusement concoctés par K qui s'affaire toujours en cuisine. Le sol lui aussi se remplit. Couvertures, coussins, plaids, futons. La moquette se recouvre de tissus en tout genre. On ferme les volets, on éteint la lumière principale et on en allume d'autres : guirlande étoilée, veilleuses chats et mini boule à facette. L'espace est prêt à accueillir les 12 jameureuses qui, entre 18h30 et 19h00 arrivent les un.e.s après les autres.

Le festin est servi sur une couverture pique-nique installée au centre de la pièce et autour de laquelle les convives s'assoient, en cercle. Nourriture carnée, végé ou vegan* ? On se sert. Et surtout, on discute. Toustes ne se connaissent pas et ne sont pas au même niveau de poisson-dans-l'eau-attitude. D'aucun.e.s sont de fervent.e.s participant.e.s de soirées queer / bdsm / ateliers sexpositives, quand d'autres sont absolument néophytes de ce genre de joyeusetés et décident, un peu à l'aveugle, de se lancer dans le bain.

Le challenge ce soir-là, c'était de réussir à créer une bulle assez vaste pour pouvoir accueillir tous ces profils en même temps. Que l'énergie ambiante soit assez flexible pour englober les plus fluent comme les beginners plus toustes celleux qui se situent dans l'entre deux du spectre. En fait, la question qui indéniablement a traversé et  traversera toutes nos rencontres, c'est bien : comment créer une symbiose générale, et même, je veux dire...contagieuse ?

Lorsque les ventres sont repus, le pique-nique est débarassé : le sol de la pièce fait peau neuve. Présentation du projet et briefing - on y parle consentement, matériel de safe sex mis à disposition, et photo policy - précèdent le cercle de présentations et d'intentions. Ces cercles (d'ouverture comme de clôture) sont absolument précieux, ils permettent de prendre la température du collectif. Ce soir-là, beaucoup de bouches racontent qu'elles sont stressées mais contentes d'être là. Le projet en a fait sauter quelques un.e.s en dehors de leur comfort zone. Gratitude.

L'interaction guidée qui suit est l'occasion d'une méditation guidée en solo et d'une mise en lien polymorphe en duos. Tantôt c'est L qui forme les binômes, tantôt ce sont elleux qui se trouvent. Quand les yeux sont fermés, ce sont les mains qui du bout des doigts, rencontrent l'autre. On y voit des bras tendus qui, à l'aveugle, cherchent des thorax qui se soulèvent. Connexion au souffle de l'humain d'en face. Quand les yeux sont ouverts, leur seul dialogue suffit. Eye contact. On respire ensemble, on se regarde, on se...connecte aussi profondément que les un.e.s et les autres l'autorisent. On lâche prise autant qu'il nous est possible, là tout de suite, de le faire. En fait, on prépare le terrain à ce qui va suivre. L'interaction guidée sert exactement à cela : donner la première impulsion à un collectif qui ensuite, au moment où la jam s'ouvre, en fera ce qu'il voudra.

En l’occurrence, il semble que la forme expérimentale du duo ait particulièrement imprégné les un.e.s et les autres puisque toute la jam durant, les interactions se sont déroulées par deux. On y voit quoi exactement, cette fois-là ? Beaucoup de cordes. Des plus ou moins sadiques, des statiques, des mouvantes. A côté, d'autres duos s'agitent en massages et autres câlinades. Quoi d'autres ? Lecture de poèmes. D'abord ils se répondent, et puis ils sont vociférés à l'unisson créant une cacophonie sonore qui dérange...jusqu'à réussir à se frayer un chemin dans l'espace de l'acceptable. L'anarchie vocale est en ces lieux finalement tolérée, c'est une couleur de plus au tableau Coco. Au milieu de cette toile sonore, une interaction retient l'attention de la narrateurice omnisciente : des mains néophytement  curieuses s'essaient à la manipulation d'une roulette de Wartenberg et d'un martinet. Des outils que des adeptes de jeux dolorisants avaient posés là, à la disposition de toustes**. Détournement d'instruments chargés d'un modus operandi bien spécifique. Ces mains les emmènent ailleurs, autrement. Justement dans un endroit où les instruments et les outils n'existent pas. Là où ne règnent que des objets dont le sens et l'utilité est à questionner et réinventer en permanence. Déplacement de pratiques codifiées vers d'autres mondes. C'est fascinant.

Ce soir-là, on a détourné la Saint Valentin, la roulette de Wartenberg, et le martinet. Pas mal, Coco.




 *


 *


*


*



* Les prochaines sessions seront au minimum végétariennes. Coco m'a chuchoté qu'elle n'était pas à l'aise avec la viande. Elle a essayé, mais ça passe pas.
** Collectiveness est friande d'objets, les participant.e.s sont toujours invité.e.s à en ramener avec elleux.


L.

Commentaires

Articles les plus consultés